MON UNIVERS
Une inspiration vagabonde et capricieuse...
Mon inspiration est par nature vagabonde. Elle saute d'idée en idée, de sujet en sujet, comme on va d'un rocher à un autre en bord de mer. Elle s'agite la plupart du temps dès potron-minet, à l'heure où tout le monde dort encore. Elle surgit tel un diable sortant de sa boîte. Elle se répand en un liquide au flux irrépressible qu'il me faut vite transcrire sur le papier.
Elle apparaît ainsi le moins que je m'y attende dès lors que mon esprit s'accroche à un sujet ou un objet. Elle peut disparaître quelque temps, revenir de manière lancinante jusqu'à me pousser à prendre la plume. Là encore, elle ne tolère pas d'autres divagations. Elle est joueuse, malicieuse et ne me laisse aucun répit. Elle se veut harcelante, ensorcelante, énervante jusqu'à ce que je la libère de son carcan. Sinon, elle devient intolérante, insupportable. Ou elle me fait un pied de nez en disparaissant de mon esprit. Impossible alors de la faire revenir. Ou alors au prix d'efforts considérables qui débouchent sur des phrases sans grand intérêt. Et elle me promet, satanée inspiration, qu'elle me fera le même coup la prochaine fois si je ne lui accorde pas davantage d'attention.
Mes grands auteurs
Mon univers a été façonné depuis ma tendre enfance par les classiques : Chateaubriand, Balzac, Hugo, Dumas, La Fontaine, Flaubert, Maupassant, Verlaine, Rimbaud, Musset, Baudelaire, de Hérédia... puis Proust, Gide, Drieu La Rochelle, Céline, Aragon, Nimier, Gracq... Plus récemment Houellebecq, Le Guillou, Le Clézio, Rouart, Viel, Tillinac, Schmitt, Tesson, Tuil, Murakami, Auster, Muzubayashi...
J'aime à la fois les contemplations langoureuses et l'univers onirique de Gracq et de Le Guillou qui incitent à une réflexion intérieure, le style anti-moderne de Tesson qui nous emporte dans ses paysages à couper le souffle en nous débarrassant de nos oripeaux technocentrés, comme le regard désabusé, mais réaliste de Céline et de Houellebecq avec une forme de rage au coeur et un concentré de révolte qui les animent face à un monde contemporain en décomposition. Les rythmes haletants des romans de Karine Tuil et des thrillers de Bernard Minier et leur capacité à vous impliquer dans leurs textes, sont aussi des références pour moi.
Que serait l'écriture sans la musique ?
La musique participe aussi de la construction de mon univers, qu'il s'agisse des classiques (Mozart par-dessus tout, Tchaïkovsky, Rachmaninoff, Bach, Wagner, Dvorak, Pergolese, Scarlatti, Vivaldi...) ou de compositeurs plus récents (Glass, Richter, Einaudi, Plano...) sans oublier la musique celtique qui me rappelle sans cesse mon ancrage en terre bretonne. La musique est à ce point indispensable à ma création que j'ai choisi d'émailler mon premier roman de passages d'oeuvres musicales pour faciliter l'immersion des lecteurs dans mon univers. Elle m'anime, me transporte, hante mes jours et mes nuits comme une obsession. Elle s'insinue en moi pour m'inspirer et me construire. Elle accompagne les idées, elle débusque les mots et les phrases au rythme de ses mouvements amples comme de ses soubresauts sauvages.
La Bretagne et la mer...
Souvent au centre de mes inspirations : la Bretagne et la mer, indissociables l'une de l'autre. les notes cristallines de la harpe celtique mêlées aux embruns iodés, à l'océan rageur de mon Finistère, aux parfums puissamment tourbés de cette terre granitique multiséculaire me comblent d'une plénitude réparatrice.
Là, dans les chemins creux et enclavés sillonnant l'Argoat entre les bosquets ou face à la côte dentelée par le ressac à l'incessant ballet, sous le crachin pénétrant et poisseux comme sous le soleil iridescent qui se reflète dans l'océan, je ressens au fond de moi l'énergie créatrice qui me laboure les entrailles.
"J'écris autour de mes chats" (André Malraux)
Et puis, enfin, il y a mes chats, toujours près de moi, déployant leurs corps longilignes, bâillant lascivement comme harassés par les tâches sous lesquelles ils croulent ou endormis profondément. Leur respiration régulière et apaisée est une comptine qui rythme et colore mes réflexions. Mes félins me fixent de leurs yeux tourmaline si expressifs, mais je ne parviens jamais à en comprendre l'intrinsèque profondeur. Ils ménagent leur part de mystère, me prodiguent intuitivement leurs précieux conseils, puis se détournent, car ils ont toujours mieux à faire, loin des stupides et insignifiantes affaires des hommes. Comme le disait André Malraux, "j'écris autour de mes chats"...
Je suis un sac à émotions...
Il ressort de tout cela un mélange syncrétique qui m'imprègne, me bouleverse, me transcende.
L'écriture est un jaillissement permanent, irréductible, irrépressible. Elle est singulière, salvatrice, libératrice, dominatrice, possessive. Elle est aussi une bulle apaisante qui me protège du monde extérieur, qui me perturbe certes, mais qui me révèle les tréfonds de moi-même, cette part de soi qu'on n'avoue jamais, qu'on refoule et que l'on peut enfin révéler, libérée des contraintes de la vie, d'un environnement de plus en plus puritain, étroit, mortifère, en jouant dans et avec le théâtre que l'on crée. L'écriture soigne les meurtrissures de l'âme, les blessures superficielles comme profondes qu'on n'a jamais voulu traiter ou qu'on a enfoui bien profondément pour les oublier ou dont on n'a jamais pris conscience. L'écriture est "une thérapie, un baume, une prière. Elle est avant tout le lieu des comptes justes" (Philippe Le Guillou, "Stèles à de Gaulle"). Elle re-décrit le réel en proposant une vision du monde autre, différente, singulière. Dans mes écrits, je m'attache ainsi à montrer l'obscénité de l'existence humaine comme de la mort, partie de la vie., l'absurdité des comportements, la nécessité absolue d'une antimodernité face à un progrès décapant, arasant, destructeur. A travers le ciselage des mots, je suis comme un orfèvre démontant avec cynisme et dérision les mécanismes des attitudes de mes contemporains, leurs petites manies, leurs habitudes lâches, leurs minables ignominies, leurs vaines révoltes. Tel un entomologiste, je les dissèque, leur arrache des parties du corps, les analyse, tente de mettre en lumière leur indécence face à la marche naturelle du monde.
Je suis un écorché vif de l'écriture. J'ai du Céline, du Houellebecq et du Tesson dans le sang. Je suis un sac à émotions. Des émotions à fleur de peau qu'il me faut expurger pour qu'enfin se répandent lettres, mots, phrases.
"Le logos est l'alliance de l'homme. Quelques lettres forment des mots. Quelques mots recomposent le monde. Dieu est peut-être là : dans le langage" (Sylvain Tesson, "Un été avec Rimbaud"). Il est peut-être là dans ce sac qui ne demande que la liberté... Quête de Dieu..., quête de l'absolu...