Cher réseau,
Deux mois de silence : je suis plongé dans la finalisation de mon tapuscrit et la dernière relecture est la plus éprouvante. Je poursuis mes lectures néanmoins : c’est un indispensable moteur de créativité.
J’ai ainsi passé le début de ce mois à dévorer « La plus secrète mémoire des hommes » de Mohamed Mbougar Sarr, paru en 2021 aux éditions Philippe Rey – Jimsaan et prix Goncourt 2021.
Je ne me précipite jamais sur la lecture des romans primés dès leur sortie. Souvent parce que je suis en pleine lecture d’autres textes. Aussi parce que je méfie toujours du battage médiatique qui accompagne les sorties littéraires surtout qu’aujourd’hui la prime va souvent aux textes « engagés » (engagés vers quoi d’ailleurs ?), qui traitent de la (vague) vogue sociétale (diversité, féminisme, LGBT, inceste, écologie, inclusivité…). La littérature est aujourd’hui moins importante que la cause qu’elle doit servir. Sinon, point d’intérêt ! Heureusement, le roman de Jean-Baptiste Andréa, « Veiller sur elle » primé au Goncourt cette année, échappe à cette mode calamiteuse.
Bref. Quel texte étonnant, puissant que nous livre Mohamed Mbougar Sarr qui, par sa qualité littéraire, a largement mérité son prix Goncourt !
En 2018, un jeune écrivain sénégalais, Diégane Latyr Faye, découvre le manuscrit d’un ouvrage rédigé en 1938 par un mystérieux T.C Elimane, « Le labyrinthe de l’inhumain ». Ce livre est alors encensé par la critique – Elimane est qualifié de « Rimbaud nègre » - avant qu’elle ne s’aperçoive qu’il comprend des passages plagiés. Blessé, Elimane disparaît à jamais. Fasciné par l’auteur, Diégane décide de retracer son parcours qui le conduit à Paris, Amsterdam, en Argentine et au Sénégal. Pour ce faire, il rencontre des personnages attachants, singuliers, souvent des intellectuels africains, qui ont de près ou de loin fréquenté Elimane.
L’ouvrage de Mbougar Sarr tient à la fois du conte, du récit onirique, du texte poétique et de l’épopée historique. Il nous tient en haleine d’un bout à l’autre en dépassant avec intelligence la sempiternelle opposition entre l’Afrique colonisée et l’Occident dominateur. Il taille en pièces, au passage, ceux qui font primer les messages politiques sur la littérature : « Est-ce qu’on parle de l’écriture ou de l’identité, du style ou des écrans médiatiques qui dispensent d’en avoir un, de la création littéraire ou du sensationnalisme de la personnalité ? » « La plus secrète histoire des hommes » révèle une écriture riche, intense et subtile qui met en évidence la question des ressorts de l’écriture et de son intemporalité par-delà les vicissitudes de l’histoire, du temps et de la géographie. « Le temps est assassin ? Oui. Il crève en nous l’illusion que nos blessures sont uniques. Elles ne le sont pas. Aucune blessure n’est unique. Rien d’humain n’est unique. Tout devient affreusement commun dans le temps. Voilà l’impasse ; mais c’est dans cette impasse que la littérature a une chance de naître. » L’auteur évoque ainsi « l’alternative devant laquelle hésite le cœur de toute personne hantée par la littérature : écrire, ne pas écrire ».
Oui, décidément, Mohamed Mbougar Sarr méritait ce prix. Et plus encore ! On a hâte de lire son prochain livre avec, en tête, cette interrogation : pourra-t-il faire encore mieux ? Sans nul doute tant son talent est immense.
Un magnifique cadeau à mettre au pied du sapin pour un Noël lumineux.
Je vous souhaite un très joyeux Noël !
Christophe Pannetier
Précision importante : cette Flânerie a été rédigée par un être humain et non une intelligence artificielle… qui ne l’aurait certainement pas écrite comme cela…
== Mohamed Mbougar Sarr, « La plus secrète mémoire des hommes », Philippe Rey - Jimsaan, 2021, 459 pages
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