Cher réseau,
« Staline a bu la mer » : le titre a de quoi interpeller. A juste titre : le livre de Fabien Vinçon décrit l’une des plus grandes catastrophes écologiques du XXe siècle.
Dans les années 30, Staline crée cinq républiques en Asie centrale sous le contrôle de l’URSS : le Kazakhstan, l’Ouzbékistan, le Turkménistan, le Kirghizstan et le Tadjikistan. Il mène une politique d’industrialisation à marche forcée en créant de vastes complexes miniers et métallurgiques et en développant la culture intensive du blé et du coton très consommatrice d’eau. A la fin des années 40, il lance le « Grand plan de transformation de la nature » visant à utiliser les ressources naturelles des républiques concernées au service de l’idéal de l’homme nouveau et de la cause du communisme. Dans les années 60, l’URSS entreprend des travaux colossaux de détournement des deux grands fleuves qui alimentent la mer d’Aral pour irriguer les cultures de blé et de coton : le Syr-Daria au Kazakhstan et l’Amou-Daria en Ouzbékistan.
Ces transformations vont assécher la mer d’Aral dont la superficie de presque 67 000 km2 (à peu près la surface de l’Irlande) formait la quatrième surface lacustre la plus importante du globe. Seule la petite mer d’Aral a pu renaître depuis le début des années 90 grâce notamment aux efforts du gouvernement kazakh.
C’est cette histoire que nous conte remarquablement Fabien Vinçon à travers les aventures de Leonid Borisov, un jeune ingénieur brillant dévoué à la cause soviétique, mandaté par Staline pour faire disparaître la mer d’Aral au nom de la grandeur d’une URSS totalitaire qui doit maîtriser la nature.
Fabien Vinçon nous emmène dans un voyage étonnant fondé sur des recherches fouillées entre conte, poésie (quels beaux quatrains que ceux d’Omar Khayyâm !) et histoire réelle à la rencontre de personnages singuliers et de cultures qui refusent l’asservissement par l’Union Soviétique. On mesure à quel point la folie d’idéologies meurtrières peut conduire à des catastrophes massives, mais paradoxalement mal connues : « Savez-vous le pire, dans l’histoire de cette petite mer vidée tout aussi promptement qu’une écuelle d’eau fraîche est lapée par quelques chiens assoiffés ? (…) C’est qu’il n'existe aucun récit ! Les grands crimes contre la nature demeurent totalement muets ».
Un récit à la Joseph Conrad passionnant qui m’a tenu en haleine jusqu’à son terme. Un grand merci à Fabien Vinçon d’avoir rendu sa beauté à la mer d’Aral.
Littérairement,
Christophe Pannetier
Précision importante : cette Flânerie a été rédigée par un être humain et non une intelligence artificielle… qui ne l’aurait certainement pas écrite comme cela…
>>> Fabien Vinçon, « Staline a bu la mer », Editions Anne Carrière, 2023, 262 pages
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