Cher réseau,
Je m’aperçois que j’avais oublié de publier la Flânerie n°6 en juin dernier… Je la publie donc aujourd’hui…
Que n’a-t-on pu gloser sur le dernier ouvrage de Bruno Le Maire, « Fugue américaine », paru chez Gallimard en avril dernier ! Les uns, Tartuffes faussement choqués jouant de leurs sarcasmes, n’ont retenu bêtement que quelques scènes de sexe. Les autres, raillant le ministre, lui ont dénié la liberté d’écrire au nom de leurs visions disloquées : on est ministre ou écrivain, mais pas les deux ! Et de bêler de concert sur les réseaux sociaux… Ceux-ci et ceux-là n’ont évidemment pas lu cet ouvrage singulier, étonnant, complexe, raffiné.
Le livre commence par la découverte par le neveu d’Oskar Wertheimer, psychiatre, d’un manuscrit qui est un récit familial sur fond d’histoire des quatre-vingts dernières années : d’origine juive, la famille Wertheimer a fui l’Allemagne nazie pour se réfugier aux Etats-Unis. Le frère, Franz, se destine à une carrière de pianiste, la musique l’habite. Il rencontre à La Havane en décembre 1949 le célèbre pianiste Vladimir Horowitz dont Oskar deviendra le médecin particulier. Là, la vie de Franz va basculer…
Le roman convoque les grands compositeurs et interprètes et leurs relations à la vie et à la mort, au pouvoir politique, à l’Histoire. La musique de Chopin, Bach, Liszt, Beethoven, Elgar… résonne à chaque page : Vladimir Horowitz bien évidemment, Sergueï Rachmaninov, Sergueï Prokoviev, Arturo Toscanini, Arthur Rubinstein, Nathan Milstein… sans oublier l’immense pianiste Sviatoslav Richter.
Les considérations géopolitiques dont on peut comprendre qu’elles aient pu agacer le tenancier de l’Elysée sont prégnantes : « Dans le grand manège du monde, l’Asie a pris son tour, c’est elle désormais l’astre central, celui autour duquel les autres nations gravitent. Nous ne sommes plus que des astres morts. Avons-nous définitivement perdu notre rayonnement ? Ou sommes-nous seulement l’objet d’une longue éclipse ? » Quelques cris du cœur jaillissent aussi au travers de l’expression des personnages, comme la critique des générations nouvelles : « Les générations nouvelles oublient par paresse mais aussi par cruauté, elles veulent oublier ce dont elles sont issues pour ne rien devoir à personne, quand elles doivent tout à ce qui les a précédées ».
Mais, par-delà ces considérations, l’ouvrage de Bruno Le Maire est une double réflexion sur la place de l’artiste dans l’Histoire (« Je ne suis pas concerné par l’Histoire. Ce n’est pas là que se joue ma vie. » déclare Sviatoslav Richter) et sur la fragilité des hommes et de la vie. Comme la simple fausse note en concert qui remet en question l’artiste et ses années d’effort, une rencontre, un événement peut orienter, voire bouleverser toute une vie et conduire à la mort : « La mort : pourquoi est-ce que je pensais si souvent à la mort (…). La mort viendrait et, quoi que nous fassions, elle serait une surprise ».
Si vous aimez la musique classique, vous serez transporté par cette fugue émouvante de Bruno Le Maire.
Littérairement et musicalement,
Christophe Pannetier
Petite précision importante : cette Flânerie a été rédigée par un être humain et non une intelligence artificielle… qui ne l’aurait certainement pas écrite comme cela…
>>> Bruno Le Maire, « Fugue américaine », Gallimard, 2023, 471 pages
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