Cher réseau,
Pour cette Flânerie romanesque n°4, je vous recommande la lecture de l’ouvrage d’Abdelkrim Saifi, « Si j’avais un franc », publié en début d’année aux Editions Anne Carrière. Ancien journaliste au Nouvel Obs, puis à La Voix du Nord, enseignant à l’université de Lille, puis président d’une fondation de recherche, Abdelkrim Saifi a déjà publié une biographie de Louis Pasteur, « Pasteur ou la rage de vaincre » aux éditions de la Voix du Nord.
Abdelkrim nous livre ici l’intimité familiale et le parcours de vie de ses parents qui est aussi le sien. En septembre 1948, son père, Korichi, arrive à Hautmont dans le Nord pour intégrer une usine métallurgique. Il a quitté son beau pays d’Algérie nimbé de soleil, ses palmeraies, ses oliviers, sa douceur de vivre, mais qui ne lui offre plus ainsi qu’à sa famille des moyens de subsistance suffisants, pour rencontrer le froid, la tristesse, la dureté des conditions de logement et de travail. Son épouse, Yamina, le rejoindra quelques années plus tard. La vie dans le Nord est particulièrement difficile. L’industrie est gloutonne et transforme les immigrés qu’elle a fait venir en bêtes de somme qui finissent souvent détruites. Pourtant, la famille Saifi dont Abdelkrim nous invite à partager les moments les plus forts parvient à survivre comme elle le peut et à s’aménager des temps de bonheur. « Le grand bonheur, dans le fond, écrit Abdelkrim Saifi, c’est de vivre de temps en temps des petits bonheurs qui s’invitent sans crier gare, qui repartent comme ils sont venus, sur la pointe des pieds. Ces petits bonheurs qui disent On est de passage, on reviendra, tout va bien, il faut juste les goûter, comme le temps qui passe. » Si Korichi poursuit l’objectif d’une vie meilleure pour ses enfants – qui passe notamment par l’apprentissage de l’école républicaine -, et se résigne à rester en France, Yamina qui partage les intentions de son époux, rêve aussi d’un retour en Algérie alors que « di Goule » a donné l’indépendance : « Si j’avais un franc… ». Malheureusement, les deux parents ne pourront accomplir leur rêve de leur vivant. Et pour les enfants, le temps de ce retour passe avec le cap d’une intégration à la société française dont ils sont devenus des acteurs à part entière.
L’auteur signe un beau texte d’une grande sensibilité, touchant et vivant. On s’immerge volontiers et on partage les affres et les petits bonheurs de la famille Saifi. On se prend à espérer une vie meilleure pour elle.
Il s’agit là aussi d’un récit ethno-historique qui dépeint les conditions de vie et de travail des familles d’immigrés dans le Nord à travers leur quotidien : l’usine, le syndicat, l’école, la vie sociale, la maison, la culture, les loisirs, l’alimentation... Il est aussi un questionnement sur le sens de la vie pour de nombreuses personnes et familles qui rencontrent des difficultés économiques, sociales, de santé… : ne sommes-nous sur terre que pour supporter les sacrifices que la vie nous impose ?
Merci aux Editions Anne Carrière et à sa directrice, Manon Buselli, de nous faire découvrir le talent d’Abdelkrim Saifi.
Je formule un aveu en cette fin de Flânerie qui, néanmoins, ne remet pas mon objectivité en question (si je n’avais pas aimé ce livre, je n’en aurais pas parlé !) : je connais Abdelkrim Saifi depuis plus de 25 ans. Je ne suis guère étonné qu’il nous ait écrit un récit de cette qualité : outre le fait qu’il soit une belle plume, il est un homme élégant, sensible et d’une grande humanité. Je n’ai qu’une chose à lui exprimer : continue ton parcours d’écriture, mon ami, et livre-nous vite un nouveau roman !
Bonne lecture à tous !
Littérairement,
Christophe Pannetier
Petite précision importante : cette Flânerie a été rédigée par un être humain et non une intelligence artificielle… qui ne l’aurait certainement pas écrite comme cela…
>>> Abdelkrim Saifi, « Si j’avais un franc », Editions Anne Carrière, 2023, 290 pages

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